“Jazz” Henri Matisse

Cette nouvelle édition du JAZZ est aussi une aventure, les procédés d’impression classique ne donnant pas satisfaction, nous avons dû revenir à la lithographie, sous la direction de Mario Ferreri, c’est-à-dire aux machines anciennes et au travail entièrement manuel demandant une grande expérience des encres et de leur utilisation. Ce procédé est habituellement réservé aux tirages d’artiste en petite quantité. En effet, nous nous sommes aperçus lors des essais que les mélanges de couleurs les rendaient ternes et en aucun cas comparables aux originaux. Nous nous heurtions aux mêmes problèmes que Monsieur Tériade et Henri Matisse il y a 50 ans. La recherche s’est alors portée sur les encres fluorescentes, issues de nouvelles techniques et devant être utilisées pures. Nous avons alors, imprimé des épreuves satisfaisantes. C’est au prix de 115 passages que nous sommes arrivés au résultat souhaité. Des semaines de travail pour satisfaire aux exigences que nous nous sommes fixées. Le papier posait le problème suivant. La transparence étant inacceptable, nous avons donc pour cette nouvelle édition, fait fabriquer par Arches un Velin, 100% pur chiffon, convenant aussi bien aux encres qu’aux critères de qualité que les héritiers Matisse et nous-mêmes avions définis pour cet ouvrage. Seul le grammage du papier, 250 g, permettant une parfaite opacité, nous a conduit à tirer les planches par quatre pages. Cela a donc pratiquement imposé une présentation sous forme de feuillets, dans un coffret en toile rembordée, qui permettra à cet ouvrage exceptionnel de se conserver à l’abri du temps.

Un livre de peintre
Première oeuvre complète conçue en papiers gouachés et découpés de Matisse, JAZZ est le livre de peintres le plus abouti. L’ensemble de planches de couleurs, vives et violentes, est accompagné de réflexions manuscrites calligraphiées de l’artiste, parfait accord du texte et de l’image. Cet ouvrage a été réalisé grâce à la collaboration et à l’obstination de deux hommes. Alors critique d’art, Tériade rencontre Matisse en 1929. Entre eux naît une amitié exigeante et fertile grâce à laquelle paraissent quelques-uns des plus somptueux livres de peintres et revues d’art du XXe siècle. L’idée d’un livre particulier voit le jour suite à la réalisation par Matisse de la couverture du n° 8 de Verve en 1940: La Symphonie chromatique, composition découpée dans 26 couleurs différentes et imprimée en lithographie avec 26 passages. L’excellent rendu convaincra l’éditeur que Matisse doit développer cette technique pour la réalisation d’un “manuscrit à peintures moderne, le plus beau livre qu’on ait jamais fait sur la couleur.”

Les gouaches découpées
Matisse approche cette technique dès 1938 mais c’est avec la réalisation de JAZZ qu’il aboutira à ce désir de l’œuvre naissant de la pure confrontation des couleurs. Reprenant la même palette que pour ses peintures à l’huile, il découpe dans le vif des aplats de couleur, faisant surgir la forme et la couleur simultanément. En 1943 les premières planches Le clown et Le toboggan confirment le projet du livre dont les sujets évoquent le monde de la piste ou du music-hall, les légendes ou certains souvenirs du long voyage de Matisse en 1930, en Amérique et en Océanie. Durant l’été 1946 Matisse calligraphie le texte en se servant d’un roseau et d’encre de Chine. Il fait de grandes pages d’écriture, d’une “dimension exceptionnelle“, dont la fonction est avant tout d’isoler chaque planche saturée de couleur de la suivante “comme on entoure un objet précieux de copeaux pour le protéger”. Témoignage émouvant de ses pensées, il dévoile certaines de ses idées et préoccupations sur les fleurs, le voyage, le dessin, Dieu, l’amour, le bonheur, la liberté, la vie future.
Matisse choisit et dessine le titre Jazz dont l’évocation s’harmonise avec ses gouaches découpées. Sont similaires au livre et à la musique la liberté de création, la composition syncopée, l’éclat des accords et des couleurs. L’élaboration du livre prend cinq années dont trois durant lesquelles l’éditeur cherche le procédé de reproduction le plus adapté pour répondre à l’inquiète exigence de l’artiste afin de retrouver les couleurs si vives des gouaches découpées. L’ouvrage est achevé d’imprimer par les soins de Tériade pour les éditions Verve, le 30 septembre 1947.
Les planches ont été exécutées au pochoir, d’après les collages et sur les découpages de Henri Matisse, par Edmond Vairel qui a utilisé les mêmes gouaches de Linel que l’artiste. La couverture et les pages de texte, ainsi que la reliure, sont réalisées par les maîtres imprimeurs Draeger Frères. À l’occasion du cinquantenaire de la mort d’Henri Matisse, Nicolas et Claude Draeger rendent un magnifique hommage à l’artiste avec cette édition exceptionnelle, imprimée en lithographie.

Techniques
Textes de présentation par Dominique Szymusiak (conservateur du Musée Matisse au Cateau-Cambrésis). Impression : des 20 planches en lithographie avec 23 couleurs. Papier : Velin Arches BFK Rives 250 g. Papier 100% chiffon, fabriqué à partir de fibres de coton soigneusement sélectionnées. La qualité exceptionnelle des papiers d’Arches assure la pérénnité de l’œuvre. Reliure : Présentation sous forme de feuillets de quatre pages, dans un coffret en toile rembordée, qui permettra à cet ouvrage exceptionnel de se conserver à l’abri du temps.

Premier prix du LIVRE D’ART 2006, Nuit du livre 
La Nuit du livre® entend promouvoir le talent des auteurs – écrivains, illustrateurs, photographes – tout en rendant hommage aux fabricants – techniciens et directeurs de fabrication – quand la forme d’un livre rejoint le fond ou le fond rejoint la forme. 
http://www.lanuitdulivre.com/

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